Occupant une place toujours plus importante dans la fabrique de la ville et les enjeux urbains associés, la participation citoyenne évolue dans ses formes et selon les institutions qui la mettent en œuvre. Une tendance de fond se dessine cependant : comme dans de nombreux secteurs, les technologies de l’information apportent progressivement leur lot d’opportunités dont certains se saisissent avec succès, comme le démontre la ville d’Helsinki.

DE LA DÉMOCRATIE À LA NORDIQUE

Dès l’ère viking, se réunissait dans les sociétés nordiques le þing (prononcer thing), une assemblée d’individus libres destinée à prendre collectivement des décisions d’ordre politique ou judiciaire à l’échelle d’une région. La participation citoyenne semble faire l’objet d’une certaine appétence de la part de nos voisins du nord ; comme en Islande où la constitution a elle-même été élaborée en collaboration avec les citoyens en 2011.

La Finlande n’échappe pas à cette tendance, et se montre même particulièrement innovante dans ce domaine. Dans le sillage de la loi sur les administrations locales de 1995, qui consacre le droit des finlandais à participer aux prises de décisions publiques, la municipalité d’Helsinki a mis en place toutes une sérié d’instances et des services permettant aux initiatives citoyennes d’émerger. L’objectif assumé de la ville est d’établir une planification urbaine coconstruite avec l’ensemble des habitants.

L’E-PARTICIPATION COMME UN NOUVEAU PARADIGME

Dans la capitale finlandaise, Internet est devenu une véritable instance démocratique. La ville mobilise différents outils afin d’assurer le lien et la transparence entre les habitants et leurs représentants.

Depuis 2013, une application nommée Open Ahjo renseigne en temps réel le grand public sur l’ensemble des décisions prises par la ville.

Plusieurs dispositifs sont également dédiés à l’expression citoyenne. Un site internet dont le nom peut se traduire par « les initiatives municipales » (Kuntalaisaloite), permet aux citoyens de proposer ou de soutenir des projets ayant trait à l’urbanisme, aux transports où à la vie publique. Un nombre de soutien correspondant à 2% de la population de la ville est suffisant pour obtenir l’examen d’une proposition par le conseil municipal dans un délai de six mois. Si ce seuil atteint les 5%, l’initiative peut même faire l’objet d’un referendum local. La municipalité a é également mis en place une carte interactive, qui permet aux habitants de localiser des observations et des idées ou de formuler des retours sur les aménagements déjà effectués.

Ce modèle novateur, qui pense la démocratie locale à travers l’e-participation, donne lieu à des pratiques surprenantes comme l’OmaStadi (littéralement « votre Helsinki »), processus mis en place en 2018, lors duquel la ville a soumis au vote du public l’allocation de 4.4 millions d’euros de son budget. Ce dispositif a permis de faire émerger 839 propositions citoyennes par 14 585 participants.

Cette invitation à s’impliquer dans la vie publique commence dès l’adolescence. En effet, les pouvoirs publics ont également créé une plateforme en ligne dédiée aux jeunes de 13 à 20 ans , qui leur permet d’échanger, de discuter mais aussi de proposer et de soutenir des projets citoyens.

Enseignée dès l’enfance, la participation citoyenne fait donc partie des pratiques quotidiennes des Finlandais et est renforcée par des services en ligne toujours plus élaborés.

D’AUTRES EXEMPLES PAS SI LOINTAINS

Si la ville d’Helsinki fait figure de très bon élève dans la mise en place de services dédiés à la participation citoyenne en ligne, elle n’est pas un cas isolé. En effet, les outils utilisés en Finlande s’appuient en grande partie sur le logiciel Decidim, créé par la ville de Barcelone et aujourd’hui largement répandu en Europe, y compris en France. Il est par exemple utilisé par les villes de Nanterre, d’Orsay, de Roubaix, mais aussi par la Région Nouvelle Aquitaine ou la Métropole de Lille. Largement utilisé en Espagne, l’outil a également été déployé à en Belgique à Waterloo, ainsi qu’à Mexico.

L’expansion de ce dispositif de concertation parmi d’autres témoigne de l’émergence progressive d’une culture de la démocratie locale au sein de territoires très divers. Une progression qui repose à la fois sur la technologie et sur les pratiques des habitants et de leurs représentants. Ces pratiques suggèrent une responsabilisation toujours plus importante des citoyens ainsi que la montée en compétence dans de nombreux domaines. Cet effort, toutefois, pourrait offrir aux décideurs une connaissance plus fine des besoins et des préoccupations de leurs habitants.

Finalement, que retenir du succès de ce modèle de participation finlandais ? D’abord qu’il se fonde sur une confiance dans l’expertise d’usage des habitants associée à un sens aigu de la citoyenneté, trait caractéristique des pays nordiques. Mais au-delà des spécificités culturelles, des services en ligne à la fois simples, accessibles et ludiques semblent être la combinaison gagnante d’une participation plus étendue et efficace. Une opportunité dont les villes pourraient avoir intérêt à se saisir.