La campagne à Paris, nouvelle génération

Ruches, herbes aromatiques, tomates et salades évoquaient autrefois pour les Parisiens le souvenir d’un doux week-end dans la maison familiale et les joies d’une promenade dans le potager dans la rosée du matin. Aujourd’hui, la salade se récolte sur le toit d’un hôtel du XVème, au détour d’un passage au centre Beaugrenelle, le miel s’achète au Jardin d’acclimatation, à deux pas des ruches qu’il abrite, et un safran made in Paris – issue d’une safranière perchée sur le toit-terrasse du Monoprix rue Daviel – sera bientôt disponible à la vente.

A vos airs étonnés, j’opposerai 3 mots : agriculture et végétalisation urbaine. Et aux sceptiques je conseillerai de s’armer de patience. Parce que plus qu’une lubie, il s’agit d’un véritable projet. Que dis-je. D’un nouveau modèle de société.  Et sur ces problématiques, la Mairie de Paris semble disposer d’un cran d’avance.

Très impliquée dans les enjeux sociétaux liés à la résilience et à la notion de ville durable, la ville de Paris s’est fixée l’objectif de créer, d’ici l’année prochaine, 100 hectares de façades, murs et toits végétalisés dont un tiers consacré à l’agriculture urbaine. La charte « Objectif 100 hectares » signée en 2016 constitue à ce titre l’acte fondateur et le point de départ d’un ambitieux défi qui devra être atteint en 2020.  Sensible aux avantages environnementaux, économiques et sociaux de la végétalisation des villes, la mairie a suscité autour de son projet l’engouement d’entreprises, d’acteurs publics et parapublics et de nombreux Parisiens.

Signataire de la charte, Monoprix, aux côtés de Paris Habitat, a souhaité concrétiser son action en accueillant La Safranière Suspendue sur le toit-terrasse du magasin Bièvre (Paris 13e), dans le cadre de la 2ème édition de l’appel à projets Parisculteurs. La ferme urbaine de la Safranière Suspendue a pris vie l’automne dernier avec la floraison et la récolte de la première production de safran 100% parisien. Autres projets lauréats des Parisculteurs (qui lançait d’ailleurs sa 3ème saison le 29 janvier dernier) : l’installation d’une Ferme Florale Urbaine sur les 4 400 m² de terrasses de l’Hôpital Robert Debré et la ferme urbaine de 2 400 m2 sur le toit du Centre Technique Municipal de Pantin. Au Carrefour Market de Charonne, les clients peuvent désormais acheter des légumes provenant…du toit de leur magasin. Résultat « entre la récolte et la livraison aux consommateurs, il se passe 1h30, 2h maximum ».

Si l’agriculture urbaine ne tend ni à concurrencer l’agriculture traditionnelle ni à fournir à la capitale l’ensemble des denrées suffisantes à sa subsistance, elle présente plusieurs vertus : permettre de reprendre le contrôle de sa consommation d’aliments en réduisant les circuits de distribution, valoriser ses déchets organiques, réintroduire de la biodiversité dans nos villes et sensibiliser les citadins à l’environnement, réinsérer du lien et une dynamique de partage à l’échelle des quartiers.

La végétalisation de la ville est également un levier pour lutter contre le réchauffement climatique, les îlots de chaleur et participe à réduire la pollution atmosphérique. Un engagement réaffirmé dans le bilan sous forme de rapport écrit par Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, publié par le Think Tank Terra Nova en septembre dernier :

« La végétalisation d’une ville relève d’une approche globale. Si l’on veut lutter efficacement contre le réchauffement et les îlots de chaleur, il faut impérativement végétaliser, quels que soient les contextes et les situations. Dire que la végétalisation des toits et façades n’est pas une « vraie » végétalisation est dérisoire. Tout comme est dérisoire d’opposer végétalisation de pleine terre à végétalisation sur dalle. Bien sûr que la pleine terre est préférable, mais là où il n’y a pas de pleine terre, il ne faut pas renoncer à verdir ».

Du blanc contre la chaleur

On sait que ville et température font mauvais ménage. On sait également que les îlots de chaleur urbain liés à la minéralité de nos villes constituent un véritable problème. Si la végétalisation est une solution, pour une poignée d’entrepreneurs, la solution porte le nom d’albédo.

Pour les non-initiés, l’albédo est le « pouvoir réfléchissant d’une surface, c’est-à-dire le rapport de l’énergie lumineuse réfléchie à l’énergie lumineuse incidente ». En gros, l’albedo c’est ce qui explique pourquoi les maisons en Grèce, et plus précisément à Santorin, arbore cette couleur blanche si typique : le blanc renvoie la chaleur. Technique peu coûteuse, cette peinture naturelle immaculée permet de réduire considérablement les températures à l’intérieur du bâti. Une idée vieille comme le monde que la startup bretonne Cool Roof a décidé de remettre au cœur de son approche. D’abord utilisée par la NASA pour éviter la surchauffe des navettes spatiales, puis testée sur les bâtiments de New-York pour lutter contre la chaleur urbaine, Cool Roof a développé une résine acrylique réflective qui renvoie 90% de la chaleur solaire qui la frappe.

Les 7 000 m2 de toiture du E.Leclerc de Quimper ont été repeints en blanc. Crédits photo : Cool Roof

A Paris, le toit de la Péniche-Hôpital Adamant s’est prêtée au test : le relevé de températures indique 18°C de différence à l’intérieur.

De là à imaginer que la ville de demain sera verte et blanche ?

 

Articles ressource :

>> Le très bon article de @Laura_Boudoux : https://www.outthere.fr/briefs/le-futur-des-villes-est-il-souterrain/

>> https://www.humanafterhal.com/villes-dystopiques-du-futur/

>> https://www.wedemain.fr/Gaspillage-energetique-et-si-on-peignait-tous-les-toits-en-blanc_a2531.html

>> https://www.bfmtv.com/economie/ces-agriculteurs-font-pousser-fruits-et-legumes-sur-les-toits-des-villes-1641928.html

>> https://www.demainlaville.com/quand-la-bd-imagine-la-ville-du-futur-22/

>> Le rapport de Jean-Louis Missika pour Terra Nova : http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/816/original/Terra-Nova_Le-nouvel-urbanisme-parisien_JL-Missika_180919.pdf?1568746400