Notre feuilleton continue. Le 5 décembre 2019 marquait le coup de sifflet pour l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire français pour les services régionaux conventionnés en France (TER  et TET).
Depuis, ce sont trois nouvelles régions qui ont saisi ou sont sur le point de saisir cette opportunité : Grand Est, Hauts-de-France et la région Sud sont dans les starting-blocks. Trois régions et trois modèles différents qui doivent permettre de « ré-enchanter le transport public et le ferroviaire » comme le souligne David Valence, maire de Saint-Dié-des-Vosges.

Grand Est, une région à l’inspiration d’Outre-Rhin

Il y a quelques jours, l’Etat signait avec la Région Grand Est un protocole d’accord “inédit”, permettant la gestion directe d’infrastructures ferroviaires du quotidien.
Ainsi, la ligne ferroviaire vosgienne, 48 km entre Epinal et Saint-Dié devrait rouvrir en 2022.  Ce modèle « Made in Grand Est », avec des infrastructures autogérées par la région, vise à revitaliser l’activité économique environnante. En effet, la région Grand Est souhaite développer l’attractivité de ses territoires par l’activation de petites lignes autour d’Epinal, la capitale des Vosges. L’objectif est de fortifier les mobilités autour de nouveaux pôles d’activités. Une politique qui s’inspire de l’ouverture allemande et de ses succès.

Pour l’instant, deux lignes sont concernées ; à partir de décembre 2024, plusieurs axes connectés à l’Allemagne pourraient être ouverts à la concurrence selon la Région : Metz-Forbach-Sarrebruck, Metz-Béning-Sarreguemines, Metz-Thionville-Trèves, Metz-Strasbourg, Strasbourg-Sarreguemines-Sarrebruck, ou bien encore Strasbourg-Karlsruhe.

La région Sud vote aussi pour l’ouverture à la concurrence pour ses TER

Autre vision des mobilités ferroviaires avec la région Sud (ex-région PACA). En ce début d’année 2020, la région lance les appels d’offres pour deux lots, les liaisons Marseille-Toulon-Nice, et les services autour de Nice. La région poursuit ainsi son programme annoncé en décembre 2019. En effet, la région avait lancé une procédure de délégation de service public d’une partie de ses TER. Ainsi, depuis le 19 février, les entreprises qui souhaitent exploiter les lignes de TER en région Sud peuvent se faire connaître, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, dont la région est pionnière en France.

Le lot interurbain Marseille-Toulon-Nice, liaison qui représente 10% de l’offre TER à l’échelle de la région, sera attribué d’ici l’été 2021 et deviendra effectif d’ici 2025.
Quant au lot « Azur » qui concerne les lignes autour de Nice (Les Arcs-Nice-Draguignan-Vintimille ; Grasse-Cannes ; Nice-Breil-Tende), exploitées jusqu’ici par le SNCF, l’appel d’offres le concernant est ouvert jusqu’au 31 mars prochain. Celui-ci représente 23% de l’offre TER régionale et sera attribué à l’été 2021 pour un début d’exploitation en décembre 2024.

La Région considère que cette concurrence sera profitable à tous : aux usagers qui bénéficieront d’un service de meilleure qualité, à l’institution qui pourra exiger une facture détaillée et une baisse des coûts, et à la SNCF qui pourra moderniser ses pratiques et améliorer sa compétitivité. En parallèle, l’amélioration de la qualité de service permettra de faire du train une alternative crédible à la voiture individuelle pour les trajets entre les principales métropoles du territoire, et autour de Nice particulièrement, au bénéfice des transports du quotidien.

Les Hauts-de-France, trois réseaux concernés

Du côté des Hauts-de-France, l’expérimentation de l’ouverture s’effectue avec la mise en concurrence de « trois lots ». Deux d’entre eux sont situés en ex-Picardie et un dans le Nord-Pas-de-Calais. Concernant le lot du Nord – Pas-de-Calais, il s’agit de « l’Étoile de Saint Pol », autrement dit les lignes entre Saint-Pol-sur-Ternoise et Arras, Béthune et Étaples.
Son principal atout étant que le futur exploitant bénéficiera d’une infrastructure ferroviaire remise à neuf puisque des travaux lourds sur les voies sont en cours sur l’Étoile jusqu’en 2021.

L’autre lot mis en concurrence concerne la ligne Paris-Beauvais où l’enjeu est l’amélioration de la desserte Sud-Picardie – Gare du Nord et l’étoile d’Amiens. Il s’agit du lot le plus important avec 3,4 millions de trains-kilomètre par an, vers Abbeville, Laon, Creil, Compiègne.

La mise en œuvre de ces nouveaux services devrait être effective à la fin de l’année 2023, à l’issue d’une période incompressible de 16 mois pour assurer le transfert des personnels nécessaires aux nouveaux exploitants comme le prévoit la loi. L’exigence affichée est de faire mieux que l’actuelle convention, sans coût supplémentaire pour les usagers.
Une quinzaine d’opérateurs ont d’ores et déjà montré leur intérêt pour cette démarche, selon la Région.

Quels sont les nouveaux opérateurs attendus sur le réseau ?

Plusieurs entreprises pourraient répondre aux appels d’offres de l’Etat et des régions, ou lancer directement leurs nouveaux services sur les rails français. Parmi elles, Transdev, très présente notamment en Allemagne – où l’ouverture à la concurrence est effective depuis plus de 20 ans – ou RATP Dev, qui a déjà répondu présente à l’appel à manifestation d’intérêts de la région Sud. L’opérateur vient de s’allier à Getlink (ex-Eurotunnel) pour répondre aux appels d’offres dans le Grand Est et les Hauts-de-France.

La compagnie ferroviaire publique Trenitalia et Thello sa filiale française ont déjà indiqué vouloir participer aux appels d’offres en région et se lancer sur le marché de la grande vitesse en France. Thello fait déjà rouler un aller-retour par nuit entre Paris et Venise et une poignée de trains entre Marseille, Nice et Milan.

La Deutsche Bahn et sa filiale Arriva suivent aussi le dossier français. Les allemands exploitent déjà des trains régionaux au Danemark, au Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède et en République tchèque. Moins connue, Abellio est aussi sur les rangs. Filiale des chemins de fer néerlandais, elle exploite des trains régionaux en Allemagne et au Royaume-Uni.

L’opérateur de transport de Hong Kong, MTR, est également cité dans le panel d’opérateurs intéressés par le marché français. Celui-ci a commencé à percer en Europe en 2009 en reprenant l’exploitation du métro de Stockholm, et fait actuellement rouler des trains en Australie, au Royaume-Uni et en Suède.

Enfin, jeudi 27 février 2020, l’entreprise ferroviaire britannique Go-Ahead, leader des transports publics au Royaume-Uni, a été auditionnée par le collège de l’autorité de régulation des transports. Un rendez-vous qui doit permettre à cet opérateur, qui exploite des franchises ferroviaires au Royaume-Uni mais également à l’international, de partager comment elle imagine son entrée sur le marché français mais aussi les points de blocage dans ce contexte d’ouverture aux compagnies étrangères.

Rappelons que les appels d’offre pour l’exploitation des trains régionaux seront obligatoires à partir de fin 2023 et que l’ouverture des lignes longue distance ou à grande vitesse est, elle, prévue à partir de 2020.

(A suivre)